Le Portail de la Médecine Vétérinaire en Afrique

Powered by AfricaVET.COM

9 oct. 2008

Virus du sida: recombinaisons déroutantes des souches

Deux spécialistes des rétrovirus, les Professeurs Françoise-Barré Sénoussi, responsable de la recherche sur la biologie des rétrovirus (*) à l’institut Pasteur de Paris, et Souleymane Mboup, chef du laboratoire de Bactériologie-Virologie du CHU Aristide Le Dantec de Dakar, étaient, vendredi dernier, les invités d’honneur du comité d’initiative scientifique de l’Institut Pasteur de Dakar et de la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de l’UCAD pour une conférence, à l’amphithéâtre Khaly Amar Fall, sur les avancées de la recherche sur le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Beaucoup d’invités venus assister à ces deux présentations magistrales, notamment des spécialistes et étudiants parmi lesquels des “têtes d’œuf” en médecine humaine et vétérinaire (du fait des interrelations entre agents pathogènes et ses hôtes homme et animal), sont repartis l’esprit retourné pour les uns et la tête pleine d’interrogations sur l’avenir pour les autres, devant la “complexité de plus en plus déroutante du virus du Sida. Ne devrait-on pas dire les virus du Sida ? Selon le Pr. Souleymane Mboup, dans une communication sur la diversité des sous-types, “il y a eu le VIH1, dont le Pr. Françoise Barré-Sénoussi, à l’époque membre de l’équipe du Pr. Jean Luc Montagnier (qui a pris, il y a peu d’années sa retraite, et poursuit ses recherches actuellement aux Etats-Unis), est le co-découvreur en 1983.

Par la suite, a surgi le VIH2, isolé dans des sérums de prostituées dakaroises en 1985, par les équipes de chercheurs des Prs. Max Essex (université d’Harvard de Boston aux Etats-Unis, Souleymane Mboup (UCAD), Francis Barin et François Denis (Facultés de médecine de Limoges et Tours en France). “Le VIH1 et le VIH2 ont des similitudes. Toutefois, le VIH2 est plus proche des virus simiens ou SIV (ndlr : responsables de l’immunodéficience chez le singe et plus spécifiquement des macaques et des mangabeys).

Les deux orateurs se sont attardés sur la distribution géographique de tout ce “monde” de l’infiniment petit “parents” et “descendances”, leurs dynamiques, leurs virulences, leurs histoires naturelles et leurs caractéristiques épidémiologiques.

ZONES D’OMBRE PERSISTANTES

Le Pr. Souleymane Mboup, dans une synthèse “rapide” de sa communication, qui pourtant aurait pu être plus longue du fait de la situation de la pandémie et des difficultés colossales à surmonter pour mettre au point un traitement et (ou) un vaccin efficaces, a indiqué l’identification de plusieurs sous-types. Il a cité premièrement les sous-types des groupes M, N et O. Il y a encore, a-t-il dit, neuf sous-types (A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K). Tout cela va, semble-t-il, s’entortiller de plus en plus, avec le surgissement de recombinaisons qui “mettront au monde” d’autres “diaboliques” nouveautés...

Pour le Pr. Françoise Barré-Sénoussi, dont le Pr. Souleymane a loué les qualités humaines et de chercheuse qui défend l’Afrique devant toutes les assises scientifiques internationales, “la situation des résultats des recherches, le degré de mutation très élevé et la sélection séquentielle qui y est associée laisse penser à une nécessité de se concentrer sur la recherche d’un vaccin à très large spectre avec des réponses permanentes”. Membre de l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA (ANRS) de France, coordonnatrice de plusieurs projets de recherche en Afrique et en Asie (Vietnam et Cambodge), notamment dans le cadre d’un vaste réseau d’une vingtaine d’institutions scientifiques en Europe, Asie, Afrique et Amérique, le Pr. Barré-Sénoussi a insisté sur l’importance de la prévention primaire, la recherche sociale et comportementale, ainsi que sur l’impact socio-économique de la maladie SIDA”.

C’est ainsi que, parmi ses principaux sujets de recherche, on note ceux qui sont relatifs aux déterminants de protection naturelle contre l'infection par le VIH-1, aux déterminants précoces de protection contre le SIDA chez le singe vert d'Afrique et au contrôle de la transmission in utero (de la mère au fœtus) du VIH1.

Les recherches de l’équipe du Pr. Barré-Sénoussi “visent à identifier et caractériser des facteurs immunitaires responsables d'un état de protection naturelle contre l'infection par le VIH-1. L’équipe suit ainsi des individus dont des toxicomanes ou qui sont des partenaires de sujets séropositifs, à Ho Chi Minh Ville (Vietnam), Phnom Penh (Cambodge) et Bangui (République Centrafricaine), en collaboration avec les Instituts Pasteur du Réseau International ”.

L’étude cherche à comprendre ce qui se passe chez des individus exposés au VIH-1, mais apparemment non infectés dans le contexte génétique et environnemental des pays d'Asie et d'Afrique. “L'exposition continue des populations de ces pays à des agents infectieux a une incidence sur l'état d'activation immunitaire et la réponse immune”. “Ce terrain immunologique particulier pourrait favoriser, a souligné le Pr. Barré-Sénoussi, le contrôle de l'infection VIH-1 par l'intermédiaire de réponses innées et (ou) de réponses spécifiques”.

URGENCES MEDICALES ET PREVENTIVES

“Nous devons poursuivre, de façon plus ardue et pointue, afin d’arriver un jour le plus proche possible à la mise au point de traitements appropriés et moins coûteux pour la prise en charge des patients”, a dit le Pr. Barré-Sénoussi. Selon elle, “il y a des urgences médicales et préventives auxquelles il faut faire face et là, nous devons mieux connaître les déterminants de la transmission du VIH dans laquelle il y a encore des zones d’ombre”. “Les virus recombinants jouent un rôle important dans la dynamique de l’infection”, a, pour sa part, précisé le Pr. Souleymane Mboup. Cela devrait mieux asseoir la compréhension de l’épidémiologie du VIH/SIDA et, aussi, l’ajustement de la recherche sur le vaccin. Faudra-t-il un vaccin pouvant jouer un rôle préventif contre les deux virus (VIH1 et VIH2), les sous-types et les formes recombinantes circulantes inter sous-types ?

Devrait-on donc viser plusieurs vaccins ? Le Pr. Mboup a révélé la présence de cas d’infection à ce groupe 0 du VIH1 au Sénégal, alors que celui-ci est concentré en Afrique centrale, notamment au Cameroun et dans les pays qui lui sont riverains. “Nous voyons également, a ajouté le Pr. Mboup, la complexité des souches virales et des recombinaisons de sous-types qui se recombinent…”

CONNECTIONS SCIENTIFIQUES

Le spécialiste sénégalais a, à l’examen de résultats de plusieurs études grâce aux “connections” scientifiques établies par le réseau africain de recherche sur le SIDA (RARS), précisé que l’on voit peu à peu la diversité génétique et ses conséquences multiples qui doivent être prises en compte dans les traitements antirétroviraux, notamment dans la résistance et la recherche sur le vaccin. Le virologue sénégalais a aussi dit “que dans la région ouest africaine où l’on assiste à une diversité plus grande de sous-types, l’épidémie s’étend avec une lenteur relative tandis que c’est le contraire en Afrique australe (Afrique du Sud, Botswana, Zimbabwe), où l’épidémie de l’infection à VIH s’est propagée et continue de le faire de façon fulgurante”. Il s’est aussi attelé à expliquer la présence d’une possible parenté entre le virus de l’immunodéficience humaine et celui de l’immunodéficience simienne (chez le singe). Cette thèse est de plus en plus “prenable”. Le Pr. Mboup est revenu sur des études dont celle qui a été menée en RDC par des chercheurs africains et européens parmi lesquels les membres de l’équipe du Pr. Eric Delaporte de l’IRD (Ex-ORSTOM) de Montpellier (France) ; “au regard des données obtenues, il apparaît que si une souche virale (groupe M, sous-type A) y prédomine, avec une prévalence un peu supérieure à 50 %, tous les sous-types du VIH1, connus à ce jour, sont présents dans ce pays”.

GRANDE VARIABILITE VIRALE

“Au sein même des 10 sous-types viraux circulant en RDC, les chercheurs, dit-il, ont mis en évidence une grande variabilité génétique ainsi que de nombreux virus recombinants. “Par ailleurs, certaines souches virales isolées n'appartiennent à aucun des différents sous-types viraux pour l'heure identifiés”. “En RDC, le Dr Mulanga a vu, à Kinshasa, que c’est le sous-type A qui prédomine, suivi par les sous-types F, G et D”. Une telle variabilité génétique n'a jamais été observée dans les autres pays du continent africain, notamment en Afrique de l'Est, de l'Ouest ou Centrale.

“Au Sénégal, 85 % des souches qui y circulent sont des souches recombinantes”, a révélé le Pr. Souleymane Mboup. Dans ces régions, les souches virales sont beaucoup moins diversifiées et, souvent, un ou quelques sous-types du virus dominent très largement le paysage épidémiologique.

“Ces résultats, a expliqué le chercheur, contribuent à une meilleure connaissance de l'histoire du SIDA et la possibilité qu’une telle diversité de souches virales résulte d'un long processus de mutation. Ainsi, on dirait que “le VIH 1 serait présent de longue date dans cette région d'Afrique Centrale qui serait alors le berceau de la pandémie”.

M. Mboup a ainsi indiqué que la phylogénie moléculaire a mis en évidence des liens génétiques entre les différents virus des singes et les VIH qui induisent le SIDA chez l’humain (voir encadré). Cela montre encore d’autres difficultés à surmonter afin de mieux pister la circulation de tous ses groupes de souches et leurs sous-types, mais aussi les relations entre l’homme et l’animal…

En ce qui concerne le vaccin, le Pr. Souleymane Mboup a expliqué que depuis dix ans, plusieurs types de vaccins sont à l’étude. Certains de ces vaccins tentent de provoquer des réponses des anticorps contre des protéines de l'enveloppe du virus comme la glycoprotéine gp120. C'est le cas pour le vaccin actuellement testé aux Etats-Unis, dans un essai de phase III. D’autres sont en cours d'essais à travers l’utilisation de virus inoffensifs pour l'être humain, en guise de vecteurs vivants porteurs d'éléments du VIH.

“Il est clair qu’il n’y a pas encore de vaccin en phase 3 et qu’il faudra se mettre sur un vaccin adapté aux différentes souches du virus”, a déclaré le Pr. Mboup. Le Pr. Bèye, modérateur des débats avec le Dr Alioune Guèye de l’Insitut Pasteur, s’est prudemment avancé pour dire qu’il y a une possibilité d’utiliser le VIH2, “moins virulent”, vivant atténué pour un vaccin… [- * Les rétrovirus sont des virus à ARN, caractérisés par la présence d’une enzyme, la transcriptase reverse qui, comme une clé, lui permet d’ouvrir le lymphocyte ou globule blanc, afin de copier l’ADN de la cellule humaine infectée, à partir de son ARN viral. Cet ARN néoformé s’intègre de manière stable dans l’ADN chromosomique de la cellule humaine, devenant alors un proxivirus qui se comporte comme un gène de la cellule infectée. C’est de là que démarre la multiplication du VIH. (Source : Med. Tropicale / Flammarion/Pr Marc Gentilini/P435) - Sources: thèse de doctorat sur le virus de l’immunodéficience humaine type VIH1 au Sénégal : diversité génétique, place des recombinants et implications dans l’émergence de résistance au traitement antirétroviral (Dr Ndèye Coumba Touré-Kane)] FARA DIAW

Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=12877&index__edition=9552
et http://www.santetropicale.com/actualites/0402/actualites0402_1.htm

Aucun commentaire: